Cultiver des algues comestibles dans le fleuve Saint-Laurent est tout sauf une sinécure. Il faut en effet fixer ces légumes de mer aux formes diverses sur un cordage que l’on immerge vers la fin de l’automne. Ce dernier est ensuite remonté près de la surface au printemps en vue de la cueillette qui se déroule au courant de l’été, quelque part en juillet. Mais, attention à ne pas trop tarder ! Car des bryozoaires prolifèrent sur les algues dès que l’eau excède une certaine température, les rendant ainsi impropres à la consommation.
William Cyr-Lamy pense avoir trouvé un moyen pour minimiser cet important risque. Le secret du propriétaire de Boréalgue, aux Escoumins? Un site de 5 hectares taillé sur mesure pour l’algoculture. «Le chenal laurentien passe par ici pour se terminer quelques kilomètres plus loin, près de l’embouchure du fjord du Saguenay. Cette vallée sous-marine profonde convoie des eaux profondes riches en oxygène et minéraux, provenant de l’Atlantique Nord», indique-t-il. Ce phénomène explique d’ailleurs pourquoi Tadoussac est l’un des meilleurs endroits au Québec pour voir des baleines.
Avec Boréalgue, l’entrepreneur souhaite participer à la démocratisation de la culture d’algue au Québec. «On pense souvent à l’intégrer dans notre alimentation, mais elle peut aussi servir à la production de fertilisant, de bioplastique et de carburant biosourcé par exemple», affirme celui qui caresse le rêve de cultiver la première algue nori, la reine des makis et sushis, 100 % québécoise. Pas question toutefois de mettre en place des grosses infrastructures polluantes, comme des ancrages en béton, pour parvenir à ses fins. «Mon modèle est plutôt celui de la micro-exploitation qui nécessite un minimum d’investissements et d’empreinte sur le milieu marin.»
Globe-trotter dans l’âme, William Cyr-Lamy a vécu aux quatre coins du monde avant de revenir s’installer au Québec il y a quelques années. Lors de ses pérégrinations, l’architecte de formation a constaté de visu l’état de santé précaire des océans. C’est ce qui l’a mené à se former à l’École des pêches et de l’aquaculture du Québec et à effectuer un stage au sein du centre collégial de transfert de technologies Merinov. «On y trouve des spécialistes de l’algoculture avec qui je suis toujours en contact», souligne le principal intéressé.